L'Equipe
(chouravé sur le Forum des cybervulcains)Aaron Grandidier Nkanang, champion olympique à 7 avec la bande à Dupont, tente l'aventure du 15 à Pau Il a été l'un des joueurs clés de l'équipe de France sacrée championne olympique à 7 au Stade de France. Aaron Grandidier Nkanang veut désormais s'imposer dans le Top 14, à Pau. Avec une personnalité et un parcours atypique qui fait son charme et sa force.
L'album des Jeux, Aaron Grandidier Nkanang l'a téléchargé dans son crâne. Archivés les sons, les vibrations, les couleurs, les potes, tout ce qui a nourri ses émotions durant ces jours qu'il n'oubliera jamais. Dans l'Algeco impersonnel du centre d'entraînement de la Section paloise, les parois se colorent quand Aaron Grandidier Nkanang ranime ces images. « Depuis petit, je rêvais de joueur dans un stade pareil. Tu sors du tunnel et tu découvres ça ! 70000 personnes qui crient, t'encouragent, chantent... J'avais des frissons, le sourire d'une oreille à l'autre. J'ai ressenti du stress à ce moment-là. Pas la pression de la médaille, du pays qui attend mais c'était tellement énorme. Même Antoine (Dupont), qui a vécu des ambiances extraordinaires, nous a avoué n'avoir jamais ressenti ça ».
« Dans le XV, le match fini tu rentres chez toi. Dans le 7, tu fais l'ascenseur trois fois dans la journée. »Il a cherché ses points de repère, la trentaine de personnes, famille, proches, amis d'enfance venus au stade. Il a laissé son corps s'emplir de toutes ses émotions avant de tout exploser. C'est là que le 7 est incroyable, raconte-t-il : « C'est un sport tellement exigeant sur le plan mental. Dans le XV, le match fini tu rentres chez toi. Dans le 7, tu fais l'ascenseur trois fois dans la journée. Que tu perdes, que tu gagnes, que tu aies été bon ou pas, tu dois de nouveau tout chercher, te relancer mentalement ».
Les trois premiers matches face aux États-Unis (12-12), l'Uruguay (19-12) et les Fidji (12-19) furent compliqués. Mais après l'interruption inhabituelle d'une journée pour cause de cérémonie d'ouverture qu'Aaron a suivie partiellement à la télé, les Bleus ont tout renversé lors d'un samedi de fou : les Argentins en quarts (26-14) avec un doublé de Grandidier Nkanang, l'Afrique du Sud (19-5) avec un doublé de Rebbadj et les Fidji, doubles champions olympiques en titre 28-7 avec un nouvel essai de Grandidier Nkanang et un doublé de Dupont. « Je me trouvais pourtant moins bien ce samedi. Mais tous les automatismes ont fonctionné comme jamais ».
Aaron Grandidier Nkanang brandit sa médaille d'or olympique. (N. Luttiau/L'Équipe)« C'était écrit qu'on termine la boucle contre eux (les Fidjiens). Je crois que je n'ai jamais autant pleuré de ma vie que ce samedi !
Aaron Grandidier Nkanang à propos de la finale olympique
Aaron Grandidier Nkanang était sur le banc pour la fin de match. « J'ai vécu un instant bizarre. Il restait quelques secondes, je savais qu'on avait gagné et j'ai vu défiler le film de tout ce travail depuis un an, les 18 qui ont fait la prépa, tous ceux qui nous ont aidés, qu'on a croisés, tous les endroits où nous étions allés, chez les Fidjiens qui nous avaient accueillis en début d'année pour notre préparation et qu'on a retrouvés en finale. C'était écrit qu'on termine la boucle contre eux. Je crois que je n'ai jamais autant pleuré de ma vie que ce samedi ! ».
Les Bleus offrent la première médaille d'or à la France
Ils ont été les premières stars de ces Jeux et la présence d'Antoine Dupont n'y est pas pour rien. « Il est arrivé avec tellement de respect pour ce sport, pour nous, une telle envie d'apprendre. Avec ses qualités, on savait qu'il serait énorme. Il l'a été et très vite ». Pour Aaron, le 7 est une somme de rencontres, d'expériences qui construisent l'athlète qu'il est, des dunes fidjiennes de Sikatoga dévalées en début d'année aux danseuses du Moulin Rouge croisées avant le tournoi olympique et qui leur auront appris quelques pas de danse pour entraîner tout le Stade de France dans la fête.
Une apothéose collective à Ibiza
« Mais c'est ça le 7, le show, les émotions avec beaucoup, beaucoup de boulot derrière. Et la fierté de se dire que cette année, on était les meilleurs, sans discussion. On avait une telle confiance ! » La fête s'est poursuivie les jours suivants jusqu'à une apothéose collective à Ibiza. « Plus que vidé, je me suis senti soulagé, comme débarrassé d'un poids, comme quoi la pression était là ».
D'Ibiza, Aaron Grandidier Nkanang est rentré directement à Londres. Chez lui, là où il est né il y a 24 ans d'un papa anglais et d'une maman française. « J'y suis né, j'y ai fait toute ma scolarité jusqu'à l'université », raconte-t-il dans un français sans accent. « Ma mère m'a toujours parlé français. Elle m'a souvent répété qu'elle n'avait pas progressé en anglais à cause de moi », sourit-il.
« Depuis tout petit, je voulais devenir sportif professionnel... mais fallait que je trouve quel sport. »
Papa faisait du vélo, Aaron s'y est mis. Puis le basket, enfin le rugby parce que les potes y jouaient. « J'étais nul, j'ai arrêté un bon moment et je m'y suis remis à 16 ans. Un coach au lycée m'a dit que j'avais du potentiel ». Et Aaron a trouvé son sport. « Depuis tout petit, je voulais devenir sportif professionnel... mais fallait que je trouve quel sport ».
Il quitte alors l'Angleterre pour la France et va se retrouver Espoir à Brive en 2019 après avoir tâté du 7 lors de tournois outre-Manche. Il confie son intérêt à son nouveau club qui va lui permettre dans un premier temps de jouer en parallèle à 7 et à 15, avant qu'il ne s'oriente exclusivement sur le 7 les trois dernières années.
Faire son trou en Top 14
Mais aujourd'hui, Aaron Grandidier Nkanang veut se consacrer exclusivement au 15 et faire son trou dans le Top 14, d'où son arrivée à la Section de Sébastien Piqueronies, connu pour savoir faire grandir les jeunes joueurs et pour qui le 7 a toujours été un outil de progression. Grandidier Nkanang a disputé quelques minutes sur l'aile face à la Rochelle en match de préparation. Les qualités athlétiques, la vitesse et l'explosivité du champion olympique ont séduit.
Et il y a cette personnalité solaire, cool, profil atypique d'un jeune mec bien dans sa tête et dans sa peau, qui a tâté du mannequinat et est fou de musique, DJ à ses heures sous le nom de scène d'Aztek. « C'est ma passion, ça fait partie de moi. Ma soeur et moi on a grandi entourés d'instruments de musique. Je voulais devenir sportif pro, elle veut être dans la musique. Ce sont deux mondes qui se ressemblent : ils attirent beaucoup de monde et c'est compliqué de s'y faire une place ».
Amie Blu, nom de scène de la talentueuse soeur d'Aaron (à vérifier sur les plate-formes) vient de sortir un titre intitulé Pretty. Elle y chante : « I hate competing/I always loose/I'm not athletic » (Je déteste la compétition/Je perds toujours/Je ne suis pas une athlète). Comme un effet miroir inversé, clin d'oeil à son frère.